Galerie Synthèse  PARIS 1958

 

Carte d invitation à l exposition

 

Faut-il se demander si la peinture de JEAN LOMBARD est plus ou moins abstraite que celle de tel ou tel autre, si elle procède de l'intelligence ou plutôt de l'instinct, si elle obéit à une volonté constructive ou si elle s'abandonne à l'impressionnisme? Ce sont là questions oiseuses. Mais ce que je sais bien, c'est que Jean Lombard est un peintre non figuratif, mieux : un peintre tout court.

 

Je l'imagine volontiers dans les garrigues ou les pinèdes provençales, gonflant ses poumons de mistral, emplissant son regard du vol des cétoines et son ouïe de la clameur des cigales. Je l'imagine encore essayant de traduire tant de sensations accumulées en formes, en rythmes, en couleurs et de les perpétuer grâce à la discipline à laquelle il les soumet et à la cadence qu'il y insère. Toujours est-il que chacun de ses tableaux n'est pas une image de l'objet, pas davantage une fenêtre ouverte sur la nature. Dans le monde extérieur, c'est lui-même qu'il rencontre. Ce qu'il nous transmet par les moyens de l'art, c'est cette union indissoluble de l'homme avec les choses, inépuisable source de joies et de souffrances, lieu ambigu d'échanges entre l'absolu et le relatif.

 

Certes, une pareille attitude n'appartient pas en propre à Jean Lombard. Cependant, ce qu'il réussit, je crois, avec plus de bonheur que d'autres, c'est à trouver le point d'incandescence où se dissout la donnée tangible et s'affirme son pouvoir inventif, où le général s'efface et surgit le particulier. Il y est aidé, il est vrai, par une technique très sûre, mais qui n'apparaît pas, ne devient jamais insolente aisance, laisse un champ infini d'imprévu à la liberté d'inspiration.

 

La flexibilité de ses lignes, la saveur de son coloris, les fluences de sa composition s'appuient néanmoins sur une lucidité et sur une exigence où la cérébralité a la moindre part et le lyrisme la plus grande. Malévitch n'avait pas tort lorsqu'il prétendait que les techniques elles-mêmes résultent du sentiment. A un lyrisme du désordre dont nous voyons aujourd'hui maints excès s'oppose un lyrisme de l'ordre dont Jean Lombard est, peut-être sans le savoir, un des moins contestables représentants.

 

Entre les vulgarités du réalisme et les gribouillis de l'effusion, il participe de cette gravité, de ce mystère, de cette intériorité qui caractérisent la poésie de ce temps.

 

FRANK ELGAR